jeudi 28 juin 2018

1- En autarcie psychique

Savoir où je suis me semble primordial. Être ancré dans le sol, permet d’avoir la tête dans les étoiles. J’habite une galaxie, je vis dans sa banlieue autour du soleil jaune, sur la planète Terre, mais cela ne suffit pas, je dois savoir, à chaque instant, où je pose le pied. C’est là ma connexion à l’univers.

 L'extraordinaire arc-en-ciel tibétain et son disque "noir" centré sur le soleil.
Ce rare halo de diffraction dans les cristaux de glace des nuages d'altitude
est un présage heureux dans la tradition tibétaine.

Il n'en a que cinq : il manquerait deux couleurs à l'arc-en-ciel tibétain.
Lesquelles ? L'indigo (que Newton a inventé), et peut-être le vert que je ne vois pas

Par jeu de mots, jeter mon ancre, c’est encrer à la plume ou au pinceau mon chemin sur la terre. C’est un dessin qui suit les traces de mon destin. C’est mieux qu’une étape, c’est à la fois une empreinte, un témoignage et une cicatrice.
Grâce aux technologies, j’ai su situer mon ermitage, jusque-là perdu dans une vague direction, et je vous le donne en mille, il a dorénavant une existence matérielle prouvée et chiffrée en latitude et en longitude, ainsi qu'une altitude précise : 4282m !
Ces nombres donnent un sens à la carte.
Au cœur de mon ermitage, c’est là le lieu de ma chambre !

 La découverte de mon home, sweet home...

Par rapport à mon rivage habituel, une épaisseur de 4282m d’atmosphère en moins peut vous sembler dérisoire. C’est pourtant l’un des obstacles qu’il aurait fallu franchir mais, voilà, nous n’en avons pas eu le temps. Ne croyez pas que je fus le seul à en pâtir, nous étions tous dans les mêmes draps. Bien sûr, nous avons fait quelques progrès au fil des jours. Mais, en pratique, nous avons cherché notre souffle jusqu’au dernier moment, et j’ai réalisé combien pouvait être pénible l’insuffisance respiratoire. Voulez-vous deux exemples à ma propre mesure ?
- Impossible de pratiquer un examen du fond d’œil à ma façon habituelle, c’est-à-dire en apnée et d’une traite : en trente secondes sans souffle, je frôlais le vertige, il fallait respirer avant de plonger à nouveau sans grande conscience dans la pupille interrogative. Quid des diagnostics ?


- Impossible aussi de rêver dans la nuit : le moindre scénario nocturne me réveillait par suffocation. Vivre par procuration onirique demande-t-il trop d’énergie ?
Un rêve est une soif d’oxygène (c’est une révélation) !
Était-ce l’occasion de psychanalyser mes rêves ? Non, je vis toujours en autarcie psychique.


Pourtant, je me suis octroyé la liberté de m’évader et d’avaler des kilomètres à la fin du séjour. Le ciel m’a béni m’offrant la seule journée belle de l’aube au crépuscule.
Avec Erwan, j’ai suivi l’affluent qui coule sous mon ermitage et qui rejoint le Mékong : 48km aller-retour ! Rentrés au bord de l’épuisement, nous avons atteint les limites de nos faibles forces.


Couché sans dîner pour plonger aussitôt dans l’inconscience, sans rêves, sans sursauts avant l’aube, j’étais béat après cette évasion, croyant enfin revivre mes escapades. Il y a ainsi des oasis de félicité dans mes heures tibétaines.

3 commentaires:

  1. Bonjour Pierre,
    J'ignorais tout de l'arc en ciel thibétain .
    Peut-être que tu peux m'en dire plus !
    J'irai voir sur le net .
    Un plaisir de lire tes commentaires et de savourer les photos .
    Claude

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    1. Une explication succincte sur ce phénomène observé en 2014 à Lhassa : https://www.youtube.com/watch?v=1RggjtHQVMI
      Merci pour ton attention !

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  2. Bienvenue dans le monde des insuffisants respiratoirs !
    Quoique, depuis 20 ans que les traitements pour l'asthme sont efficaces, que de bienfaits mesdames et messieurs !

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