vendredi 22 juin 2018

J -4 : Un simple menu

Si je vous donne maintenant les détails qui situent mon voyage dans un univers que vous croirez réel, c’est bien sûr avec l’espoir de vous séduire et de vous voir accourir !
Avouez que vous tremblez d’excitation anticipée à l’idée d’être accueillis avec une tasse fumante de thé salé au beurre de yack, et une galette de tsampa « très digeste et nutritive ».


Je vous donne la recette : délayez à la main la farine d’orge grillé avec le susdit thé et le beurre de yack. C’est tout. En voyage, c’est une panacée. Je le crois. J’imagine la scène avec chacun d’entre vous individuellement, et l’émotion nous submerge.
Voyez donc Stanley et Livingstone, des aventuriers endurcis et boucanés, qui pleurnichent dans les bras l’un de l’autre. Franchement, oui, nous aurions quelques palpitations, vous trop essoufflés et moi tripotant mon beurre. Ça vaut la peine d’y songer : le cœur s’emballe et l’oxygène manque, c’est un peu extatique, non ?
Mais ne venez pas tous ensemble, je ne vais pas passer mon temps à traire ! Devant votre enthousiasme, j’ouvre mon carnet de rendez-vous. Qui vient le 29 juin, jour de ma fête ?

Faire mieux que tripoter :
les moinillons sculptent et teintent le beurre de yack pour réaliser leurs maquettes.

Ah ! Oui ! Il vous faut l’itinéraire :
Un vol international pour Chengdu, capitale tentaculaire de la province chinoise du Sichuan, riche de son musée archéologique et de ses pandas géants.
Un vol intérieur pour Yushu ( = Gyêgu, Jiegu), là où eut lieu le séisme meurtrier, dans la province voisine plus grande que la France mais peu peuplée du Qinghai (prononcez Tching-haï). Cette province recouvre de son nom chinois la région tibétaine de l’Amdo, je vous en parle à l’instant.
Puis 170 km d’une route qui longe en partie le fleuve Mékong, immense ! jusqu’à la bourgade de Nangqên, (prononcez Nangtchen) où vous ferez vos courses, mais peu de lèche-vitrine, sauf les jouvenceaux.


Encore 80 km vers l’ouest pour atteindre, à 4500 m d’altitude, un monastère !
Sous le monastère : un baraquement. Non ! Un ermitage ! C’est là que je vous attends. Peut-être.

Devant le monastère et les huit chörtens, une tente de prière.
Vous savez déjà qu'il faut la longer dans le sens horaire.

Le Tibet historique comptait trois régions distinctes : le Tsang-Ü au sud, l’Amdo au nord-est et le Kham au sud-est. Il a été envahi par l’armée de Mao Tse Toung en 1950, puis redessiné sur la carte et administré selon des statuts différents : pour faire simple, le Tsang-Ü constitue la Région autonome du Tibet avec Lhassa pour capitale à 540 km de mon ermitage, l’Amdo est devenu la province du Qinghai (où je vous attends) et le Kham a été dépecé entre Région autonome tibétaine et provinces du Sichuan et du Yunnan. 


Je vivrai dans une zone frontalière à la jonction des trois principales régions historiques, entre Tsang-Ü, Amdo et Kham : plus précisément à la frontière sud du Qinghai (Amdo), mais parmi des nomades khampas (du Kham). Ainsi je serai au cœur même du Tibet historique, non loin d’où est né l’actuel Dalaï-lama, le quatorzième du nom, en 1935.



Pourquoi ?
Le but est simple et tient en peu de mots : évaluer les besoins ophtalmologiques des nomades khampas sous le parrainage d’OSF (Ophtalmos sans frontières). Mon baluchon est plein d’un appareillage miniaturisé et … lourd d’un retour aux diagnostics voués pourtant aux gémonies. Les indulgences seraient-elles bouddhistes : être parjure ne heurte que moi.

 L'extraordinaire appareil miniaturisé qui permet de mesurer le tonus oculaire :
cet engin envoie un projectile sur la cornée !

Tara, mon interprète se prête au jeu, 
avec le tonomètre portatif "par rebond".

Ce sera court : la durée du séjour est limitée par l’administration à 30 jours.
Je ferai partie d'une équipe de médecins et dentistes. Nous serons trois dans la première fournée. J’accompagnerai, cette année, une dentiste de Vendée et un médecin de Fréjus qui y vont pour la première fois, comme moi. Je les ai rencontrés avec plaisir, et nous partons en harmonie. Nous bénéficierons d’un interprète anglais-tibétain qui nous accueillera à l’aéroport de Yushu.
Mon ermitage est un dispensaire ! Pour découvrir le voisinage immédiat du dispensaire, attendez le prochain message !

Sur la gauche et sous le ciel habituel, le toit orange du dispensaire

2 commentaires:

  1. Merci Pierre mais j'aimerais en savoir un peu plus si tu es d'accord. Pourrais tu développer "l'indiscrétion des mœurs dont nous n'avons pas les codes" et "l'invasion de la religion" ? J'ai bien une petite idée mais si tu peux donner des exemples concrets je suis preneur.
    A bientôt

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    Réponses
    1. Il faut être patient, Kaloun !
      Je sais bien que je vais devoir assumer ces expressions. Je me rôde sur des sujets plus faciles.

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