jeudi 21 juin 2018

J -5 : Brandir une oriflamme

Pour vous mettre dans l’ambiance et vous rassurer, même si c’est contradictoire, je vais être précis !

Date
Je prends le train le 26 juin à Morlaix pour Roissy.
Le jour même je m’envole pour Amsterdam, qui n’est qu’une étape évidemment.
Un deuxième avion me mènera vers l’Orient, ça va de soi, plus de 9 heures durant.
Un troisième entamera une ascension.

Cherchez les yacks !

Visa
Dans ce pays, je passerai la première nuit à l’hôtel, c’est obligatoire. Là où je vais, il y a en effet des contraintes administratives précautionneuses et méfiantes : l’essentiel aux yeux des autorités est d’être bien pourvu en assurances et en finances pour rapatrier le corps vif ou non du voyageur. Il faut pouvoir le rapatrier pour un oui ou pour un non (mais toujours pour une raison indépendante de la volonté dudit voyageur). Aux yeux des autorités, ma caisse de retraite qui n’est pas très généreuse permet quand même d’acheter un billet d’avion « single » pour le retour, au cas où. Au cas où quoi ? A cette question, il n’y a pas de réponse officielle... Si ce n’est qu’il est déconseillé d’emporter une oriflamme ensoleillée bleue et rouge. Dans la même veine, plus discret et moins revendicatif, le gwenn-ha-du serait peut-être mieux admis. Une oriflamme réversible ? En tous cas, grâce à elle, la Caisse, j’ai obtenu mon visa.

Ces oriflammes-là sont des prières

Population
A l’arrivée dans cette province étendue et presque désertique, plus grande que la France, onze fois moins peuplée, je m’enquiers des capacités chirurgicales de la ville-district qui fait fonction de préfecture autonome. Non, pas pour moi ! S’enquérir ainsi est simplement une preuve d’attention envers la population pourtant restreinte. S’il y a des capacités chirurgicales alors qu’il n’y a pas d’habitants, dois-je m’inquiéter du manque d’expérience des chirurgiens ?
Cette ville a subi un séisme meurtrier en 2010, il y a eu 2300 morts. Vous déduisez avec moi que le peu d’habitants de la province y était regroupé. Sensée ou illusoire, toute déduction est un pas vers la quiétude (à mon avis). Dans cette ville, je ne reste pas : là où je vais est plus rural que citadin. En réalité, c’est un euphémisme : « rural » évoque des champs de colza et de lents méandres entre des saules. Là où je vais, il n’y en a pas. L’horizon est clos d’étincelantes barrières. Le sol est un écho du ciel. Est-ce alors un ermitage ? En quelque sorte, c’en est un, oui.


Itinéraire
Je vais parcourir 170 km en voiture. Après 22 km le long du fleuve immense qu’il a fallu traverser, qui s’étale parfois et qui parfois s’engorge, j’aboutis dans la bourgade où je vais faire les courses. Les courses alimentaires bien sûr, je ne crois pas qu’on y fasse d’aucune façon du lèche-vitrine. Il y a peut-être une mode pour les jouvenceaux, mais je ne le suis plus. En réalité, la tenue locale, qui me conviendra en m’étoffant, a fait ses preuves depuis Mathusalem, qui là-bas ne porte pas ce nom.


 Bien approvisionné en légumes et fruits, il me reste 80 km environ en ascension dans la montagne. Non, pas à pied là non plus, ni en charrette, ni à dos d’âne, en voiture tout simplement. Est-ce une route en lacets au départ, une piste chaotique ensuite ? Je n’en sais encore rien, sur la carte je ne sais pas où se situe mon ermitage. Sur la carte, je ne vois que roche et magma géant. Parfois scintillent comme obsidienne des fractures fraîches au cœur des arêtes noires.


Altitude
Je viens du zéro des cartes marines et me voilà en deux jours à 4500 mètres d’altitude : croyez-vous que ce soit raisonnable ? Oui ! Si je suis revenu épuisé du lac Khavraz, à la même altitude, c’était pour une autre raison, parce que je ne mangeais rien. Enfin, je le croyais. Il ne m’était pas venu à l’esprit que c’était peut-être faute d’oxygène. Non, ça ne l’était pas. En fait et en réalité, je n’ai pas grand-chose à oxygéner : pas de gras, des muscles frêles, des os grêles, un cerveau qui tourne au ralenti, etc. 

A cette altitude et à cette époque fleurissent les plantes médicinales les plus rares et les plus toxiques que je réduirai en poudres après dessiccation. Herboriser comme aux siècles passés auprès des lamas, des chamans et autres guérisseurs sera-t-il mon lot quotidien ? Je le souhaite : herboriser offre mieux qu’une guérison, une rédemption !… ou des hallucinations ?

Sur les versants abrupts, la quête des plantes médicinales

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