Non, non, ce baluchon-là n’est pas une addiction, j’ai dû
réfléchir plus d’un an avant cette décision. Ainsi, une fois n’est pas coutume,
c’est bel et bien un départ qui exigea une réflexion ! Y percevez-vous un
soupçon d’hésitation ?
Il y eut des départs qui étaient
des impulsions, certains étaient des aspirations et d’autres des chutes libres,
ou plutôt des apesanteurs.
C’était comme les rêves où chaque pas imprévu guide le suivant sans
préméditation.
Le mystique qui ne dort pas en
moi appelle cela une prédestination.
Quand on m’interroge sur cette
attraction pour « voir quelque fois ce que l’homme a cru voir », je
remonte aux « contes et légendes » de mon enfance, c’est dire.
Où se nichait donc mon libre
arbitre ? Existait-il ?
Aucun libre arbitre : un sens horaire impératif...
Mon libre arbitre attendait son
heure…
Je veux dire qu’aujourd’hui ce
n’est ni l’espoir ni le désespoir qui me mènent où je vais, c’est un choix
pesé, dans un but précis, avec tout un tas d’impedimenta qui alourdiront mon
baluchon. Les impedimenta, ce n’est rien : mon baluchon est bien plus
lourd d’un retour sur mon passé. Moi qui pensais qu’il n’y a pas de
résurrection heureuse…
Pourtant, si le départ est plus
concret qu’il n’a jamais été, réfléchi et réservé, l’arrivée fait la part belle
à l’abstraction.
Ce lieu où je vais ne figure pas
sur les cartes, la Toile en ignore tout et se contente de me donner l’altitude,
4500 m, précisant pourtant la distance qui le sépare des villes de grand renom,
environ 540 km vers le sud-ouest, ou 460 km vers le nord-ouest, à vol d’oiseau.
Dans cet espace de heurts et de
tourmentes, seuls les oiseaux volent en ligne droite, parfois.
Les tadornes franchissent bien les Himalayas !
Vous avez compris qu’au loin sont
des villes, dont je ne foulerai pas le sol, mais qui aimantent les rêves en sourdine.
Ainsi, mon libre arbitre me guide cette fois vers un
espace qui s’apparente à nulle part, où les frontières se sont déplacées, où
les noms des lieux ne se prononcent pas comme nous les écrivons, où les fleuves
immenses vont par trois, ont des cours interminables et parallèles, des débits
monstrueux et des identités multiples selon leurs tronçons et selon les
civilisations.
Les rêves
me disent que sous toutes les latitudes, les fleuves les plus impétueux portent
des ponts.
Sur un affluent du Mékong
Quand je m’enquiers du chemin qui
mène là où je vais, on me répond : « Depuis l’aérogare provinciale et
excentrée, ouverte en 2009, prends la route qui part vers le fleuve immense. Au
bout de 170 km, oblique carrément vers l’est… euh, non… vers l’ouest
(sic !) : encore 80 km tu seras enfin là où tu vas. Non, nous ne
connaissons pas les coordonnées du lieu ! »
Hier, j’allais n’importe comment,
sans boussole et sans horloge, chaque pas était inscrit dans ma mémoire, en le
vivant, je le revivais. Demain, je partirai avec des précisions qui font l’impasse
sur le chemin. Comment savoir où je vais ? Est-ce mieux ? Est-ce
moins bien ?
Le sentier solitaire
Cet espace est-il une chimère,
loin de l’Europe et de ses parapets ? Mon insouciance prétend que les rêves n’aiment pas les parapets.
Grille ou parapet : les obstacles se franchissent
Plusieurs d’entre vous savent déjà où je vais. Pour les
autres, je réserve un peu de suspens : Où ? Quand ?
Comment ? Pourquoi ?
Là-bas, je n'écrirai pas. Alors, veuillez supporter quelques épanchements avant le départ.
Là-bas, je n'écrirai pas. Alors, veuillez supporter quelques épanchements avant le départ.
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