samedi 23 juin 2018

J -3 : Savoir jouer sur l'apparence

Il y a l’Indus, le Gange et surtout le Brahmapoutre. Tous fleuves sacrés qui descendent du plateau tibétain. Le plateau est un château d’eau. Ce n’est pas sur ces rives-là que je ferai mes ablutions. Car, plus loin à l’Orient, d’ouest en est, il y a la Salween, le Mékong et le Yang Tsé !
Ce sont les fleuves immenses et parallèles, qu’on appelait chez nous le fleuve nu, le fleuve turbulent et le fleuve bleu.


Là-bas, je devrai leur donner leurs noms de baptême, les noms tibétains de leurs origines, à l’aval de leurs sources méconnues. Avec un peu de familiarité et d’habitude, pour les amadouer je les invoquerai ainsi : Gyamonul Chu, Dza Chu et Dri Chu. « Chu » signifiant « fleuve » si j’ai bien compris ou « eau » tout simplement.
Encore une fois la chance me sourit : le fleuve que je franchis n’écorche pas ma langue, c’est le Dza que vous appelez Mékong. Son nom chinois est « Lancang ». Cela aussi, il faut le savoir : il y a deux noms occidentaux et un nom chinois pour chaque nom tibétain.
Pour m’allécher, les responsables de mon départ prétendaient que mon ermitage se situait aux sources du Mékong ! Vu de Roscoff, on peut les croire. Sur place, la source présumée se trouve à 200 km exactement à vol d’oiseau. Je ne pense pas que tous les oiseaux franchissent ces crêtes allègrement. Moi non plus. Mais quand même, cet argument m’a pulvérisé.

Un affluent du Mékong sous le monastère que vous devinez au loin

Malheureusement, pour les ablutions, je me contenterai de plonger dans un affluent sous mon ermitage. C’est prudence bien sûr : un affluent petit n’emporte pas le barboteur comme un fétu.
Imaginez ça, l’étrillage et le brossage (des dents), au petit matin, dans un affluent du Mékong. Ça donne vraiment envie de se lever avec le soleil ! Vous êtes hyper-jaloux ! Je me rincerai à l’eau des Himalayas !

En aval, cet affluent du Mékong

En réfléchissant, je me dis que le soleil au zénith, c’est peut-être plus confortable, mais sans doute moins discret. Mais là aussi, aux heures « chaudes », je connais la parade, grâce à Patrick French qui a écrit « Tibet, Tibet ». Il affirme avoir été, à lui tout seul, une attraction quand il se savonnait dans le fleuve à cause de… sa pilosité ! Moi, qui tente de passer pour autochtone partout où je vais, dois-je songer à m’épiler ?
A ce sujet :
Dans le monastère qui surplombe le dispensaire se déroulent des fêtes religieuses qui attirent les foules. On y psalmodie bien sûr, en maniant les moulins à prière. Laïc et ignare des coutumes comme je suis, je m’étonne, sans en rien laisser paraître, que les moines s’y rasent le crâne au rasoir électrique. Mon baluchon ne comporte qu’un rasoir mécanique qui passera pour médiéval.


Grâce à Nicolas Bouvier et au parfum des melons dans la ruelle des barbiers, j’ai déjà été tenté de confier mon chef au figaro du village, avec un succès très subjectif. Je sais aussi, hors de toute question d’apparence, que c’est souvent un peu risqué. Là est l’avantage du rasoir électrique : les craintes s’envolent avec les cheveux. Vais-je tenter le diable ?
Attention, là-bas, il faut dire "Vais-je tenter les diables ?". Ils sont légions me dit-on. Mon ange gardien va être sur le qui-vive.


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