samedi 30 juin 2018

3- Sous la tente noire



Les tentes noires, plus profondes que larges, sont les tentes traditionnelles des nomades qui transhument. Elles se distinguent des tentes blanches plus légères et maniables. Ces dernières sont souvent agrémentées de dessins d'autant plus colorés qu'elles se regroupent par centaines lors des grandes festivités.



Tente blanche et filets de pêche



Devant cette tente noire, sèche au soleil la farine d'orge.



Les tentes noires sont un must ! Elles ont la couleur de la laine de yack dont elles sont tissées, et, malgré cela, elles ont la réputation d'être... lumineuses ! Même après obturation de l'orifice prévu pour la fumée du foyer, elles restent claires. Vous constatez en effet sur la photo que leur trame est assez lâche pour laisser filtrer la lumière. Elle n'en arrêtent pas moins les grêlons et les frimas.
Il me fallait pénétrer dans la tente noire pour témoigner de ses qualités intrinsèques : les livres méritent toujours d'être confrontés à la réalité. Voir me concerne.
Je passe par là, me voilà invité à entrer ! Les nomades, toujours, accueillent les pèlerins, vous le savez.




J'y suis pour un moment de détente gustative !
Le foyer est alimenté de bouses de yack, très caloriques malgré les difficultés de mise à feu que j'ai éprouvées en Kirghizie.
Sur la table, trône la boîte en bois à deux compartiments qui contient la farine d'orge, base de la tsampa, l'aliment traditionnel. Avec la mondialisation, ajouté au beurre de yack, le sucre, autrefois inconnu,  est devenu l'un des constituants : une hérésie !
Ce beurre, un délice qui n'est pas salé, côtoie une coupelle de lait de yack, une coupelle de tsampa préparée à l'instant, un gigot de yack boucané. La viande boucanée se découpe par lamelles que, j'aurai beau mâchouiller pendant une heure, je ne réussirai pas à ingurgiter, et que je devrai cracher discrètement dans mon mouchoir. C'est dit, je ne suis pas carnivore.
La cuiller aussi est une hérésie, la tsampa se déguste avec les doigts, mais mes hôtes, après un peu d'hésitation, ont eu pour moi des prévenances de "gens du monde" : j'ai pu incorporer le sucre. Ensuite, pour respecter l'usage, j'ai finalement prélevé ma part à la main. Oui, la tsampa est très roborative !
 
Derrière l'autel où brûlent les lampes à huile sous les portraits des lamas réincarnés,
vous distinguez là aussi la trame lumineuse de la toile de tente.


Dans cette tente blanche, où je suis entré ensuite,
j'ai été surpris qu'il soit interdit de photographier la maîtresse de maison.
Patience ! Ce n'était que partie remise : il fallait simplement
qu'elle revête une coiffure décente pour un portrait digne de ce nom ! 


Une fois coiffée, c'est un plaisir de poser.
Sans réticence aucune, le photographe s'avère toujours le bienvenu.
La bonne éducation, sous la tente, consiste ensuite à faire défiler les photos sur l'écran de l'appareil. De fait vos hôtes s'en chargent eux-mêmes spontanément.
En conséquence, méfiez-vous : pas de photos compromettantes ! J'imagine les réactions devant les photos d'un bain dans un trou d'eau où j'ai barboté sans scrupules (avant d'être trop maigre évidemment).
Par contre, il y eut une bonne surprise : parmi mes photos, au milieu des moinillons que j'avais eu plaisir à immortaliser, mes hôtes ont reconnu leur fils aîné ! Leur émoi et l'éclat de leurs yeux m'ont attendri. Ils m'ont offert le bol de yoghourt au lait de yack que j'apprécie plus que tout.
Oui, mais sans couvert ! Et je n'en découvrais aucun à ma portée... or je n'ai pas une langue de caméléon, ma civilisation offre peu d'occasions propices aux extensions de langue, et j'étais trop empoté "dans" mon bol. Je sais d'expérience qu'il est de bon ton de pallier ce handicap par une aspiration d'autant plus efficace qu'elle est sonore. Mais là aussi, j'ai une culture restrictive, j'ai été élevé à... Versailles.
Au bout d'un moment, mes hôtes ont eu pitié de moi, dont le nez (physiologiquement "long") s'est vite tartiné de blanc et ils m'ont équipé de baguettes ! Des baguettes pour manger du yaourt, disons que c'est mieux que rien.
Au Tibet, la survie passe par des égards réciproques.

La coiffe tibétaine féminine est une sorte de lanière brodée de pierreries
qui descend jusqu'au bas du dos et s'enrichit de tresses postiches.
Les pierres sont des turquoises, du corail, et de l'ambre.
L'ambre est toujours volumineux en excroissances plus ou moins zoomorphiques
(à mon avis).
Il n'est pas question de sortir sans ce couvre-chef,
dont d'autres exemples figurent ci-dessous.


Quant aux hommes, pour eux aussi le chapeau est indispensable. J'en ai vite compris les avantages sous les UV du haut plateau, comme sous les averses. Les beaux chapeaux masculins étaient autrefois importés d'Italie (si j'ai bien compris) et viennent aujourd'hui du monde entier : le mien est australien !





Chaque tribu a ses codes : cherchez la différence.

1 commentaire:

  1. Elles sont gaies ces coiffés, mais surprenantes par ces ronds ocres, surmontės de boules rouges. On croirait les yeux de crabes !
    Magnifiques photos !

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